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David Rothenberg et les oiseaux artistes, à la recherche du son parfait

Un public hétéroclite s’est rassemblé au bord du ruisseau traversant le parc du Val de l’Arc, à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), autour du musicien et philosophe américain David Rothenberg, en tournée en France pour la sortie de son livre Un rossignol dans la ville (Actes Sud, 272 pages, 22 euros). Il intervient, en ce dimanche chaud de début avril, dans le cadre du nouveau festival Lips consacré aux pratiques artistiques émergentes, qui a pour thématique le dialogue interespèces. Vêtu d’une chemise à manches courtes et d’un jean noir retombant sur des baskets, il s’adresse au public tout en cherchant un fichier sur son iPad.
« Parfois, les insectes font des bruits étranges », lance-t-il, tandis que des cris d’enfants parviennent aux environs. « Ce que j’aime, c’est aller jouer avec les insectes, parfois en utilisant l’ordinateur, parfois en utilisant la clarinette », poursuit-il. Les sons émis par l’iPad se mêlent à ceux de l’hydrophone plongé dans un ruisseau à proximité, puis à ceux qu’il se met à composer. Des paysages sonores émergent alors, où l’on entend les stridulations des punaises aquatiques, les chants des rossignols ou encore des baleines à bosse. Autant d’espèces avec lesquelles cette figure de la musique expérimentale new-yorkaise assure improviser.
Celui qui puise son inspiration dans le jazz autant que dans la musique concrète ou chez le musicien John Cage en est convaincu : les animaux aussi ont un sens de la beauté. Et il mise sur les collaborations art-science pour en apporter la démonstration. Il est ainsi coauteur d’un article publié en 2021 dans la revue Frontiers in Psychology, expliquant que le moqueur polyglotte ne se contente pas d’imiter le chant des autres oiseaux. Il utilise des stratégies de composition musicale, telles que la transformation progressive d’un son en un son apparenté.
« C’est un article un peu fou », confie Tina Roeske, qui a collaboré à ce projet au sein du laboratoire d’apprentissage social et d’évolution culturelle de l’université de la ville de New York. « En tant que scientifique, je n’aurais étudié qu’un seul critère différenciant les phrases musicales, tel que le rythme ou le timbre. Au contraire, nous les avons étudiés dans leur ensemble. Cela affaiblit l’analyse statistique, mais David a des idées fantastiques. Il observe d’une manière très ouverte et va aux questions essentielles », précise-t-elle.
« David a le courage de poser des questions qui sont très risquées en termes scientifiques, car, depuis Aristote, les non-humains sont exclus du langage. Savoir si la musique touche les autres espèces divise les experts », renchérit le bioacousticien Olivier Adam, de Sorbonne Universités. « Il est un moteur sur les questions art-science, car c’est quelqu’un qui n’a pas peur d’aller chercher les scientifiques autour de lui. Il nous fait sortir de notre zone de confort pour aller vers des questions philosophiques », poursuit-il.
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